Faire de la police différemment. S’adapter à ses différentes communautés. Les aimer et les soutenir au-delà du travail. Vouloir les faire rayonner et partager le positif. C’est ce que Catherine Boyer fait depuis 6 ans pour la population de Kanesatake et d’Oka. À l’approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre, Connexion SQ l’a rencontrée avec ses partenaires pour partager son approche positive et bienveillante auprès de la jeunesse mohawk de son territoire.
« La réconciliation, ça part de la jeunesse », est convaincue la policière intervenante en milieu scolaire (PIMS) au poste de la MRC des Deux-Montagnes.
Elle voit son travail de PIMS auprès de la communauté mohawk un peu comme une immersion culturelle.
« Il faut accepter de faire les choses différemment avec une empreinte culturelle adaptée. Je suis une personne empathique et ouverte d’esprit, mais surtout, j’écoute. J’écoute pour vrai », explique Catherine Boyer.
La policière n’hésite pas à travailler en collaboration, à prendre les idées de l’ensemble des partenaires et à appliquer la sécurité culturelle dans ses approches.
Elle se rappelle d’ailleurs la première journée où elle a fait la rencontre des élèves : « Dès le jour 1, j’ai adapté ma façon de travailler. Je suis arrivée en civile, avec mon uniforme sur un cintre. Les jeunes et moi en avons parlé. Elles et ils ont pu le manipuler pour déconstruire les préjugés et les peurs entourant l’uniforme. Maintenant, les jeunes me voient en uniforme, me saluent et me posent des questions. »
« Ce mois-ci, c’est ma 6e rentrée scolaire. J’ai rencontré l’équivalent d’une génération de jeunes. Au fil du temps, j’ai influencé la vision qu’ils et qu’elles ont de la police. Je suis heureuse de contribuer à défaire des préjugés et à miser sur les attentions positives. Le rapprochement se concrétise, et, surtout, il perdure dans le temps et c’est ma plus grande fierté », souligne l’agente Boyer.
Pour la policière, être une alliée aux communautés autochtones va de soi. « J’aime ça m’impliquer. Je me considère chanceuse d’être une policière intervenante en milieu scolaire à Oka et Kanesatake. Il faut dire aussi que j’ai une grande sensibilité aux réalités autochtones. Il y a 4 générations, ma propre famille a connu la francisation », explique-t-elle.
Elle parle fréquemment à son collègue agent de liaison autochtone, le sergent Guillaume Bélisle, afin de s’assurer des meilleures pratiques. Ils partagent le même espace de travail, donc les échanges sont rapides, fluides et courants.
Kimberly Simon, directrice de l’école secondaire Ratihén:te, collabore avec Catherine Boyer depuis 5 ans. Elle trouve la policière toujours positive et admet que le travail conjoint se fait facilement. Selon elle, l’agente représente un visage familier et une image positive de la police pour les jeunes.1
Le travail de Kimberly Simon, grandement impliquée dans son milieu, représente pour elle bien plus qu’un emploi : c’est un engagement social: « Je suis fière de travailler au quotidien avec les jeunes pour leur offrir le meilleur, car ils et elles le méritent. Je souhaite redonner aux générations futures. C’est un projet à long terme qui me comble.2 »
Watsenniiostha Nelson, directrice de l’éducation au Conseil de bande de Kanesatake, renchérit en indiquant: « Les élèvent sont le futur. Tout le tout le monde travaille de concert pour eux.3 » Chaque action entreprise maintenant a un effet sur les 7 prochaines générations, mentionne-t-elle.
Catherine Boyer, Kimberly Simon et Watsenniiostha Nelson ont ainsi une motivation partagée : chaque partenaire ou collaboratrice est guidé(e) par ce qu’il y a de mieux pour les enfants, mentionne la directrice de l’école secondaire Ratihén:te4. Un élément qui propulse les projets et les collaborations.
Une marche rassembleuse
La policière fait partie d’un comité Vérité et réconciliation regroupant les directions d’école et d’autres partenaires, dont le conseil de bande. Un comité proactif et engagé.
« Le comité est né à la suite d’une activité de radar vivant à Kanesatake et maintenant, il perdure », souligne l’agente Boyer. C’est d’ailleurs ce comité qui est derrière l’organisation d’une grande marche dédiée à la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 1er octobre prochain. Plus de 400 personnes y sont attendues.
L’enthousiasme et la fierté sont palpables en amont de l’événement. Pour Kimberly Simon comme pour plusieurs membres de la communauté, le 30 septembre est une journée haute en significations et en émotions. Elle raconte que si son grand-père n’avait pas survécu aux pensionnats, elle ne serait pas ici présentement: « Comme ce dernier n’a jamais eu la chance d’être fier de son nom, de sa culture et de sa langue, je me suis donnée comme mission d’intégrer davantage de savoirs autochtones traditionnels et culturels dans les cours pour que les jeunes puissent être fiers de leurs racines et de leur héritage culturel.5 » Pour la directrice, c’est une grande source de motivation et de sens sans oublier le passé, mais en allant de l’avant.

Celyne Gaspé, artiste derrière la toile ayant inspiré le projet de l’agente Boyer.
Des projets policiers aux racines autochtones
Catherine Boyer n’hésite pas à repenser ses mandats afin qu’ils soient adaptés aux communautés autochtones, que ce soit en prévention de la criminalité ou en sécurité routière.
Dans cet ordre d’idées, pour que ses projets soient plus significatifs, elle travaillera prochainement sur un projet inspiré d’une œuvre Kanien’kehá:ka (mohawk) qu’elle a vue à l’école secondaire Ratihén:te.
Le projet devrait se concrétiser au courant de la prochaine année.
« J’ai vraiment hâte. Ce sera un beau partenariat », s’enthousiasme la policière remplie de projets.
Les entrevues de Kimberly Simon et de Watsenniiostha Nelson ont été réalisées en anglais et traduites. Voici les citations originales en ordre d’apparition dans le texte.
1 « She’s easy to work with and always positive. It’s great to have her in the school and she brings a positive experience with the police. She’s a familiar face to the kids. » – Kimberly Simon
2 « I get pride in working with kids. I’m trying to make our community better for our youth. Our kids deserve it and to be able to receive a quality education within their community. It’s a long-term project. Giving back to the next generations is my biggest reward. » – Kimberly Simon
3 « Students are the future. We are all there for the kids. » – Watsenniiostha Nelson
4 « Everyone has the kids’ best interests in mind. » – Kimberly Simon
5 « I would not be there if my grandfather didn’t make it home from residential school. He never got to be proud, to use his Kanien’kéha name and to speak his language. That is a big part of my “why.” One of the main reasons I’m here and working to push culture and language in every class. Our students can now be proud to carry their Kanien’kéha names. We must not forget the past, but we have to move forward. » – Kimberly Simon