Le dépistage d’armes à feu (AAF) est efficace : des réseaux illégaux de fabrication, d’importation, de trafic ou de vente d’AAF s’écroulent à la suite d’enquêtes québécoises, canadiennes ou américaines. Découvrez les coulisses de ce travail qui implique un haut niveau de partenariat, de communication et d’échange d’informations.
Le Centre québécois de dépistage d’armes à feu (CQDAAF) est une unité mixte de la Sûreté faisant partie du Service des enquêtes sur la violence liée aux armes à feu (SEVAF).
« Pour lutter efficacement contre la violence armée, il faut d’abord savoir d’où proviennent les armes que nous saisissons. Comme d’autres unités d’enquêtes spécialisées qui travaillent dans l’ombre, notre équipe s’attaque à l’approvisionnement illégal d’AAF », explique le capitaine Mathieu Bouchard, responsable du CQDAAF.
Il y a plusieurs façons d’acquérir des AAF pour les personnes sans permis, comme l’explique le responsable d’équipe Martin Théberge : « Ça peut se faire via de l’importation illégale, de la fabrication privée ou encore par des armes acquises légalement sur le marché domestique, mais qui, pour toutes sortes de raisons comme leur perte ou leur vol, se retrouvent dans les mains d’individus criminalisés. »
Dépister
Chaque arme a un historique, de son importateur à son acheteur, en passant par son distributeur. Les membres de l’équipe travaillent avec plusieurs partenaires au dépistage pour découvrir cet historique.
C’est le cas du sergent enquêteur Guillaume Desjardins, qui apprécie cette ambiance collaborative : « Les échanges sont faciles. Nous sommes dans le même bureau et nous travaillons tous pour un même but commun. Je travaille des demandes d’assistance d’unités spécialisées, de membres de la patrouille ou des enquêtes de la Sûreté, mais aussi de toutes les sûretés municipales. »
Le CQDAAF : une équipe multidisciplinaire
Le CQDAAF comprend des membres de la Sûreté du Québec (SQ), du Service de police de la Ville de Montréal, de l’Agence des services frontaliers du Canada, du Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives, du Homeland Security Investigations, ainsi que du Bureau du contrôle des armes à feu et des explosifs (BCAFE). L’unité travaille également en étroite collaboration avec l’Équipe nationale de soutien à l’application de la loi sur les armes à feu, les Équipes intégrées de lutte au trafic d’armes, la section balistique du Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale et plusieurs autres agences à l’extérieur du Québec.
En 2024, le CQDAAF a dépisté plus de 3 000 armes à feu. Le but premier du dépistage est de détecter de potentiels trafiquants d’armes à feu.
Martin Théberge insiste : « Un de nos défis est de faire connaître nos services de dépistage à nos collègues afin qu’ils et elles y contribuent en déclarant les armes à feu saisies afin que nous ayons l’information rapidement. Il leur suffit de remplir le formulaire et de nous le transmettre. »
Enquêter
Les informations obtenues à la suite d’un dépistage alimentent les enquêtes : les données recueillies permettre de générer du renseignement criminel.
« Avec nos partenaires, le dépistage nous donne un point de vue collectif opérationnel. Ça peut générer des enquêtes ou en faire progresser », illustre le sergent Théberge. « Notre défi, c’est de protéger les enquêtes en cours », poursuit le responsable d’équipe. Ce qu’il veut dire, c’est de protéger les enquêtes de différents niveaux et de différents corps de police ou partenaires. Grâce à une bonne coordination et un partage d’information judicieux, des enquêtes sur des territoires américains, canadiens et québécois peuvent parallèlement être réalisées avec succès et mener à des arrestations ainsi qu’à des démantèlements.
Cette chaîne invisible est source de fierté pour Guillaume Desjardins : « Quand une demande de dépistage découle d’une intervention de routine et que nous avons un dépistage concluant menant à l’identification d’un acheteur multiple, par exemple, et qu’une enquête est ouverte, nous contribuons collectivement à mettre un frein au trafic illégal d’armes à feu. »
Pour son collègue Sébastien Rodrigue, c’est plutôt de suivre les tendances sur la violence armée qui le motive : « Quotidiennement, on reçoit les événements impliquant des armes à feu. Les tendances sont évolutives et l’analyse qu’on fait permet de demeurer à jour, de s’ajuster et d’orienter les enquêtes. Pouvoir jumeler l’intérêt que j’ai pour les armes à feu avec les enquêtes ou l’analyse en matière de violence armée, c’est le meilleur des mondes pour moi. »
Démanteler
En 2023 et 2024, le CQDAAF a signalé une cinquantaine de dossiers de dépistage d’intérêt aux agences américaines, dont plusieurs ont mené à des accusations. Des réseaux de trafiquants responsables d’acquérir des armes à feu destinées à être importées illégalement au Canada ont également été démantelés.
« C’est une partie invisible du renseignement généré par notre travail de dépistage et partagé à nos partenaires. Cela vient directement couper des sources d’approvisionnement en armes à feu pour les personnes criminelles d’ici. Tout ça, grâce au dépistage d’armes saisies par les membres de la patrouille et des enquêtes de partout au Québec. Même quand l’enquête de trafic d’armes à feu se déroule entièrement du côté américain, ça reste extrêmement bon pour nous. Ça contribue à la sécurité publique non seulement du Québec, mais du Canada, des États-Unis et plus encore », se réjouit Martin Théberge.
Le responsable d’équipe ajoute : « Il arrive aussi parfois que les enquêtes de partenaires viennent qu’à nous générer suffisamment de renseignements sur des trafiquants canadiens pour qu’on ouvre des enquêtes à notre tour! »
Comme quoi une simple demande de dépistage peut mener loin et contribuer à freiner la violence armée.
Un prix pour rayonnement international
Avec le CQDAAF, la Sûreté a remporté le prix Rayonnement international des Prix d’excellence de l’administration publique de l’Institut d’administration publique du Québec, en novembre dernier.
Cette reconnaissance prestigieuse souligne l’innovation et l’impact de la mise en place du Centre québécois de dépistage des armes à feu, qui centralise toutes les informations relatives aux armes saisies au Québec.
En opération depuis janvier 2023, le CQDAAF permet de recueillir les données liées à une arme à feu, et ce, pour tous les services de police de la province. En centralisant ces informations, les actions policières pour s’attaquer aux sources d’approvisionnement du milieu criminel se voient optimisées.
Sur la photo à Une, de gauche à droite : Dominic St-Pierre, Camille Dubuc, Martin Theberge, Donald Beaudoin, Martin Robert, Yannick Dion, Mathieu Bouchard, et Marie-Claude Francoeur
Attention, à ne pas confondre le CQDAAF avec le BCAFE!Bien que les deux entités travaillent au quotidien avec des armes à feu, les mandats du CQDAAF et du Bureau du contrôle des armes à feu et des explosifs sont bien distincts. Rappelons que le CQDAAF a pour mandats de dépister des armes à feu, de collecter et d’analyser des données, d’identifier de possibles trafiquants d’armes à feu, d’initier ou de demander d’initier des enquêtes (Canada ou États-Unis), de générer du renseignement criminel, de connaître les tendances et problématiques en matière d’armes à feu et d’effectuer la liaison et la coordination entre les agences. Le BCAFE est notamment responsable des activités reliées à la délivrance des permis de possession et d’acquisition d’armes à feu, des autorisations de port et de transport, des permis pour les entreprises d’armes à feu, des agréments pour les clubs et champs de tir, des cessions d’armes à feu et de la destruction des armes à feu sur l’ensemble du territoire québécois. Pour faire dépister une arme : SQ-o-661 Demande de dépistage – Centre québécois de dépistage des armes à feu (CQDAAF) |